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Violation du principe du contradictoire et annulation d'une expertise judiciaire
Le 03 mai 2016
Il ne peut retenir, dans son expertise, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Bien souvent un dossier de droit médical, de droit de la construction ou d’indemnisation d’un préjudice commercial passe par une expertise judiciaire
Ce type de dossier se gagne à l’expertise judiciaire les Tribunaux suivants en général l’avis des experts à 95%.
Le rôle de l’expert est déterminé par la mission que lui confie le juge, laquelle est décrite dans le jugement qui le désigne.
L’expert doit avant tout éclairer le juge mais aussi, en fin de compte, les parties au litige sur les causes du litige.
Dans cette mesure, il doit procéder à des constatations matérielles objectives personnellement.
En raison de son expérience, qui a précisément mené à sa désignation, l’expert est également invité à donner son avis technique et à proposer des solutions au problème.
Son rôle est donc technique, informatif et objectif.
Au cours des opérations d’expertise l’expert doit respecter le contradictoire tel que défini à l’article 14 et 16 au Co de Procédure Civile.
L’expert doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction pendant ses opérations d’expertises.
Il ne peut retenir, dans son expertise, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder son expertise sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Le principe du contradictoire, énonce dans l’article 15 du code de procédure civile énonce que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».
En matière d’expertise, ce principe implique notamment que
- celle-ci soit diligentée en présence des parties ou de leurs représentants, préalablement convoqués en temps utile,
- les parties puissent obtenir communication de tous documents ou être informées de tous éléments servant à établir l’avis de l’expert,
- elles aient la possibilité de présenter leurs observations et leurs pièces tout au long de l’expertise,
- elles soient destinataires du rapport d’expertise et de ses annexes et qu’elles puissent discuter et contester l’avis de l’expert.
Le principe du contradictoire doit donc être observé non seulement à l’occasion du débat sur les conclusions de l’expert mais aussi et surtout, en amont, tout au long des opérations d’expertise elles-mêmes.
Il en est de même lorsque l’expert procède à des auditions de sachants et en reçoit des documents : l’expertise est nulle si l’expert n’a pas soumis la teneur de ces auditions et les documents reçues aux parties afin de leur permettre d’être à même d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport : Civ. 2, 5 déc. 2002, Bull., II, n° 278, p. 220 :
Les opérations d’expertises doivent être conduites de façon contradictoire et ce même avant le dépôt du rapport de l’expert.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 janvier 2005, a pu considérer que le simple fait que le rapport ait été débattu à l’audience ne suffisait pas à considérer que le principe du contradictoire avait bien été respecté.
C’est cette même idée qui ressort de l’arrêt du 1er février 2012 de la Cour de cassation où cette dernière considère, en effet, que le fait pour les parties de pouvoir soumettre au juge leurs observations sur une pièce annexée au rapport, ne suffisait pas. Les parties auraient du pouvoir débattre de cette pièce, devant l’expert judiciaire, et ce, avant l’audience.
Dans le cadre d’expertises judiciaires, tous les éléments soumis à l’expert devront également l’être aux parties.
A défaut, les opérations d’expertise judiciaire sont irrégulières et le rapport annulé.
Il a ainsi été jugé que viole l’Article 16 du Code de Procédure Civile et le principe de la contradiction, la Cour d’Appel qui déclare un rapport d’expertise opposable à une partie au motif qu’il lui a été communiqué et qu’elle a eu le loisir de critiquer dans ses écritures, alors qu’il résulte des constatations de l’arrêt que l’expert avait tenu compte dans son rapport d’éléments sur lesquels cette partie n’avait pas été à-même de présenter ses observations dans une discussion contradictoire (Civ. 1ère, 3 novembre 1993, n° 92-13342)
De même, viole le principe de la contradiction, une Cour d’Appel qui rejette l’exception de nullité d’un rapport d’expertise alors que l’expert avait poursuivi son instruction en recueillant des informations ayant servi à la détermination de ses conclusions, sans les avoir portées, avant le dépôt du rapport, à la connaissance de l’adversaire afin de permettre à celui-ci d’en discuter devant lui.(Civ. 2ème, 12 octobre 1994)
La nullité du rapport est encourue dès lors que les investigations effectuées de manière non-contradictoire ont pu avoir des conséquences sur l’appréciation des causes des désordres, l’étendue des réparations à accomplir et la détermination des responsabilités.(Civ. 3ème, 30 juin 1998, n° 96-18934)
La sanction de la violation du principe du contradictoire par l’expert est la NULLITE de son rapport.
Cette question n’est pas que théorique dans la mesure où nous traitons un dossier dans lequel cette question s’est posée au cours d’une expertise médicale.
G. Thirel
G. Thirel