SAS et minorité : le rachat d'actions en cas de désaccord
Un actionnaire minoritaire et salarié d’une SAS souhaite, suite à désaccord tenant au changement du siège social, contraindre le président de cette société de racheter ses actions.
Le régime légal de la SAS est prévu aux articles L227-1 à L227-20 du code de commerce.
Tout d’abord la société par actions simplifiées (SAS) a été instituée par le législateur en 1994 pour palier au manque de souplesse des sociétés anonymes; les SAS sont donc caractérisées par une souplesse de fonctionnement accrue comparativement aux sociétés anonymes. Ainsi l’essentiel des règles de fonctionnement procède de la convention des associés.
Les statuts arrêtent librement les modalités de direction de la société (Article L227-5 du code de commerce) et comprennent notamment les conditions de révocation, de nomination et les pouvoirs des dirigeants de la SAS. Ainsi les statuts d’une SAS doivent être très clairs en raison de l’absence de règles légales impératives en la matière. Seul l’organe du président est imposé par la loi : article L227-6 du code de commerce.
La grande liberté de rédaction des statuts est somme toute un point positif, mais elle induit également des risques. En effet le cas d’espèce pose plusieurs problèmes du fait que les statuts de la SAS Stella ne contiennent aucune disposition permettant d'exercer un quelconque droit de retrait imposant aux autres associés l'obligation de racheter ses titres.
- Le retrait de l’associé minoritaire
L’article L227-16 du Code de commerce dispose que « Dans les conditions qu'ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions. »
Généralement, une clause de retrait est stipulée dans les statuts.
Si aucune clause de retrait d’associé n’est stipulée dans les statuts de la SAS et que l’associé minoritaire veut que ses actions lui soient rachetées, cela correspond techniquement à un retrait : l’associé, sans avoir à proposer un cessionnaire obtient alors le remboursement de son investissement.
Le retrait suppose que les titres soient rachetés : soit par la société, il y aura annulation des titres et réduction du capital, soit par les autres associés.
En l’absence de dispositions statutaires afférentes, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits et non à la date à laquelle celui-ci a manifesté sa volonté de se retirer (Com. 4 mai 2010). En cas de désaccord, la valeur des droits est déterminée par un tiers évaluateur en application de l’article 1843-4 du Code civil.
Selon la jurisprudence, le retrayant conserve sa qualité d’associé ainsi que son droit aux bénéfices jusqu’au remboursement de la valeur de ses titres. Le retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.
Dans une SAS, la cession d’action est par principe libre. Chacun peut céder au prix qu’il désire des actions, et à la personne qu’il souhaite, associée ou non. Généralement, des clauses au sein des statuts de la SAS limitent cet usage.
- Un moyen pour inciter le présider à racheter ses actions est de lui présenter cette cession minoritaire des actions dans la SAS comme une augmentation mécanique de son poids dans la société.
En effet, le rachat des actions de l’actionnaire minoritaire peut induire une augmentation du poids politique du président, à peine majoritaire, qui pourra assoir son pouvoir sur la SAS.
- Un autre moyen est d’évoquer l’augmentation du capital social de la SAS
En cas de cession, de nouveaux titres ne sont pas créés. Cependant, cette transaction est aussi l’occasion de réévaluer la valeur des titres. Ainsi, la réévaluation de la valeur des actions sociales aura pour effet d’augmenter le capital social.
- Le contrat de financement des travaux par la société
Prenons le cas d'un désaccord suite à un financement douteux qu'aurait accompli la société, hypothèse récurrente dans la pratique.
L’actionnaire minoritaire salarié de la SAS, sous le joug d’un licenciement, soupçonne son président de faire financer des travaux d’une SCI qui lui appartient en quasi totalité aux frais de la société.
En droit, le commissaire aux comptes ou s’il n’a a pas été désigné, le président, présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou non entre la société et son président. La sanction des conventions non approuvées n’est pas leur nullité : elle produisent tous leurs effets, mais à charge pour la personne qui a intérêt à la convention de supporter les risques des conséquences dommageables pour la société : article L227-10 du code de commerce.
Il convient de rappeler que les interdictions prévues pour les SA à l’article L225-43 du code de commerce sont applicables aux dirigeants de SAS : « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers »
En l’espèce, admettons que la convention litigieuse entre dans le cadre des conventions réglementées.
- Un moyen de pression auprès du président serait d’appuyer les irrégularités ou ambiguïtés dont fait preuve le financement des travaux d’une SCI détenue par le président de la SAS, aux frais de la SAS.
L’actionnaire minoritaire pourrait ainsi engager la responsabilité du président en ce que cette convention litigieuse porte préjudice à la SAS et pourrait s’apparenter à un abus de biens sociaux.
- L’actionnaire minoritaire pourra également mettre en valeur l’absence de sa consultation en cas d’emprunt de la SAS
L’actionnaire minoritaire pourrait également demander la nullité du contrat de prêt en prouvant son existence s’il arrive à démontrer que le financement des travaux par la SAS envers une SCI possédée par le président est un financement déguisé.
En effet si la SAS a emprunté pour financer les travaux de la SCI, les statuent stipulent expressément l’autorisation préalable des associés, ce qui n’a pas été demandé en l’espèce.
Enfin, le président a signifié son licenciement à venir de l’associé minoritaire. En tant que salarié, ce dernier bénéficie d’une protection du fait de son contrat de travail. Ainsi dans le silence des statuts, il n’est pas permis de licencier un actionnaire salarié pour simple désaccord relatif au changement du siège social.
- Un moyen de persuader le président de racheter les parts de l’associé minoritaire serait enfin de lui démontrer le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement qu’il a notifié à son associé, ce qui pourra couter cher à l’entreprise.
L’actionnaire minoritaire a, en sa qualité d’associé de la SAS, parfaitement le droit de donner son opinion relativement à la vie de la société. C’est la définition même de la qualité d’associé d’une société.
En conclusion il est nécessaire de rappeler qu’il est interdit de priver un associé de son droit de vote, conformément aux dispositions de l’article 1844 alinéa 1 du Code civil, qui prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, les statuts ne pouvant déroger à ce principe que dans les cas prévus par la loi. Tout aménagement statutaire ayant un tel effet sera prohibé. Dans une SAS, si les statuts ne prévoient rien quant au quorum d’un vote, alors les décisions devront être prises à l’unanimité, ce qui peut être très lourd.
En l’espèce il n’est pas indiqué les quorums choisis statutairement, mais même si le changement de siège social a été pris à une majorité relative par le président qui est majoritaire dans la société, il ne peut en rien licencier un associé salarié qui ne serait pas d'accord avec lui.