Le secret des affaires : retour sur la directive relative à la protection des secrets d’affaires adoptée par le Parlement européen le 14 avril 2016
Controversée et critiquée quant aux conséquences relatives à la protection des lanceurs d’alerte, cette directive était néanmoins très attendue quant à son pendant sur l’harmonisation de la protection des affaires, d’autant plus que la France est dans ce domaine, une mauvaise élève.
En effet, pour que la notion d’espionnage industriel puisse être retenue, il est nécessaire que les actes litigieux « menacent les intérêts fondamentaux de la Nation », et à la condition d’avoir été réalisés au profit d’une puissante ou d’une entreprise étrangère.
La réaction du droit français quant à l’espionnage industriel est inadaptée et insuffisante. En effet, les infractions de droit commun tels que le vol, l’abus de confiance ou encore le recel sont évidemment dans une logique différente ou à tout le moins mal adaptées à celle d’espionnage industriel.
Il convient donc de créer un dispositif concentré sur cette notion et qui réponde de la modernité de notre droit des affaires.
Le Conseil Européen a affirmé avec justesse que les entreprises investissent dans l'obtention, le développement et la mise en œuvre de savoir-faire et d'informations. Cet investissement en capital intellectuel a une incidence sur leur compétitivité et leurs performances en matière d'innovation sur le marché et, partant, sur les avantages et la motivation qu'elles ont à continuer d’innover. Ces savoir-faire et informations commerciales précieux que l'on entend garder confidentiels sont appelés secrets d’affaires.
Cette expression couvre des informations très variées, qui vont des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d'affaires ou les études et stratégies de marché. Les secrets d'affaires jouent un rôle important pour la protection de l'échange de connaissances entre entreprises, notamment les PME, et les institutions de recherche dans le contexte de la recherche et développement et de l'innovation dans le marché intérieur. De nos jours, il existe dans les États membres une grande variété de systèmes et de définitions en ce qui concerne le traitement et la protection des secrets d'affaires. Le nouvel instrument apportera de la clarté juridique et assurera des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises européennes. Il permettra également d'accroître leur intérêt à l'égard du développement d'activités de recherche et d’innovation.
Déjà, la proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil développait comme arguments sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l’obtention, l'utilisation et la divulgation illicites le fait qu’il est tout à fait souhaitable d'améliorer les conditions dans lesquelles se déroulent les activités innovantes des entreprises.
Dans le cadre plus large de sa stratégie Europe 2020, la Commission s'est engagée à créer une Union de l'innovation afin de protéger les investissements dans la base de connaissances, de réduire la fragmentation coûteuse et de faire de l'Europe une terre d'accueil plus intéressante pour l'innovation. Un environnement favorable à l'innovation devrait en particulier encourager la hausse des investissements du secteur privé dans la R&D, par des collaborations plus étendues en matière de recherche et de développement technologique entre les universités et les entreprises, notamment de pays différents, l'innovation ouverte et de meilleures possibilités de valorisation de la propriété intellectuelle (PI), afin de donner aux entités économiques spécialisées dans la recherche et l'innovation un meilleur accès au capital-risque et au financement. Cependant, réaliser ces objectifs exclusivement au niveau national ne serait pas suffisant et entraînerait, à l'échelle de l'Union, des efforts redondants.
Ces arguments sont d’autant plus impactants que les entreprises, quelle que soit leur taille, accordent au moins autant de valeur aux secrets d'affaires qu'aux brevets et aux autres formes de droits de propriété intellectuelle.
Elles utilisent la confidentialité comme un outil de compétitivité et de gestion de l'innovation dans la recherche dans les entreprises, et en ce qui concerne une large gamme d'informations, qui va des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d'affaires et les études et stratégies de marché.
Les petites et moyennes entreprises (PME) accordent une importance encore plus grande aux secrets d'affaires et en sont encore plus tributaires, dépendantes.En protégeant ainsi ces divers savoir-faire et informations commerciales, que ce soit en complément ou en remplacement des droits de propriété intellectuelle, les secrets d'affaires permettent aux créateurs et aux innovateurs de tirer profit de leur création ou de leur innovation et sont dès lors particulièrement importants pour la compétitivité des entreprises ainsi que pour la recherche et le développement et pour les performances liées à l’innovation.
Cette conception développée par le Parlement Européen est capitale : les PME sont extrêmement tributaires du secret des affaires et se différencient entre elles régulièrement par le seul écart constitué par des informations détenues par l’une d’elles sur l’ouverture d’un prochain de marché de construction par exemple.
Cette directive est toute bienvenue et rehausse le secret des affaires à sa juste place, en tant qu’argument sensible, important et qu’il faut protéger et garantir.
cf directive in extenso :
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2016-0131+0+DOC+XML+V0//FR
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX%3A52013PC0813
http://www.consilium.europa.eu/fr