Le droit à la vie
Le droit à la vie est le 1er droit de l’homme pris comme individu. Les textes constitutionnels français ne comportent pas d’article intitulé comme tel. Dans le préambule de la constitution de 1946 est indiqué que : le peuple français proclame que tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance possède des droits inaliénables et sacrés :
« Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »
Le texte fondamental en la matière est bien évidemment l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme :
Art 2 Conv EDH :
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
- Des obligations d’ordre substantiel
Le droit à la vie constitue un attribut inaliénable de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme. La Cour EDH rappelle que cet article 2 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le conseil de l’Europe. Cet Article 2 est par principe indérogeable sauf certaines circonstances, interprétées toujours de façon très stricte par la Cour.
Il ne s’agit pas tant de connaitre l’étendue de la vie mais plutôt de protéger tout individu déjà né contre les atteintes qui pourraient lui être portées. La convention a été rédigée en 1950, les questions autour de la bioéthique n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui.
- La personne protégée :
Des travaux de la commission des droits de l’Homme qui en 1980 a dit clairement que les limitations portées au droit à la vie ne concernait que les personnes déjà nées. On ne pouvait pas viser l’enfant à naitre.
Dans l’affaire CEDH Vo c/ France du 8 juillet 2004, la Cour EDH a confirmé cette analyse. S’agissait d’une femme victime d’un avortement involontaire. La Cour EDH affirme que le point de départ du droit à la vie relève de la marge d’appréciation des Etats et non de son domaine. Elle précise : « même dans le cadre d’une interprétation évolutive de la convention ».
Nous pouvons constater tout au plus qu’un dénominateur commun de la capacité de l’être à naitre et à devenir une personne : on lui reconnait une dignité humaine sans pour autant en faire une personne qui aurait un droit à la vie au sens de l’art 2. S’il n’est pas une personne, l’enfant à naitre a une dignité.
CEDH 10 avril 2007 Evans c/ Royaume-Uni : Dans cette décision la Cour s’appuie à nouveau sur la marge d’appréciation des Etats : le droit à la vie ne s’applique pas aux embryons créés in vitro.
- Les obligations substantielles
Elles découlent du début de l’art 2 :
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »
Cet article impose à l’Etat non seulement de s’abstenir de donner la mort intentionnellement mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction : CEDH 17 janvier 2002 Calvelli c/ Italie.
- Obligations négatives : ne pas donner la mort
Les Etats ne doivent pas porter atteinte au droit à la vie soit directement par la peine de mort soit indirectement en extradant quelqu’un vers un pays qui admet la peine de mort.
2 exceptions :
- la peine de mort : a disparu. Protocole n°6 abolit la peine de mort en temps de paix. Protocole n°13 abolit la peine de mort en toute circonstance. Seuls 2 états n’ont pas ratifié ce 2ème protocole : la Russie et l’Arménie.
Voici les décisions qui ont composé l’évolution du raisonnement de la Cour :
CEDH 12 mai 2005 Ocalan c/ Turquie : la cour a jugé qu’en temps de paix, la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal dans le cas où le délit est condamné par une telle peine par la loi. La Cour a jugé que la peine de mort est une sanction inhumaine en tant de paix.
CEDH 2 mars 2010 Al-Saadoon / Royaume Uni : la Cour est plus claire : lorsque la Convention a été rédigée, la peine de mort n’était pas considérée comme contraire aux normes internationales, mais il y a eu une évolution vers une abolition de facto et de jure de la peine de mort dans les Etats du Conseil de l’Europe : protocoles 6 et 13, ainsi l’art 2 a été modifié en ce qu’il interdit désormais la peine de mort en toutes circonstances.
- l’Etat peut être conduit, dans des circonstances exceptionnelles à utiliser la force meurtrière. Mais la Cour l’interprète strictement.
3 hypothèses existent :
- pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale
- pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue
- pour réprimer conformément à la loi une émeute ou une insurrection
La Cour EDH apprécie cela en prenant en compte les actes effectués par les agents mais aussi les circonstances. Pour éviter tout arbitraire il importe que des garanties effectives et adéquates soient mises en place.
2 principes sont essentiels :
- le principe de nécessité : l’intervention de l’Etat doit être absolument nécessaire
- le principe de proportionnalité : pas expressément mis en valeur dans l’art 2, il faut veiller à ce que l’atteinte soit proportionnée au but légitime.
- Les Obligations positives : de protéger la vie.
Les Etats ne doivent pas porter atteinte, directement ou indirectement au droit à la vie, en ne réagissant pas pour que cessent d’éventuelles atteintes portées par d’autres :
- l’Etat doit assurer le droit à la vie
La législation pénale doit être suffisamment dissuasive. Il faut veiller à ce que le recours aux armes à feu soit subordonné à une appréciation minutieuse de la situation, évaluation de la nature de l’infraction commise par le fugitif et de la menace qu’il représente. Il doit y avoir une garantie contre l’arbitraire et l’abus de la force de police. De même doit être érigées des mesures propres à assurer la protection de la vie des individus présents dans des endroits sensibles. L’Etat doit prendre des mesures concrètes pour prévenir la réalisation d’un risque certain et immédiat pour la vie. Le droit à la vie s’applique dès lors que la personne est mise en danger.
- Les Obligations d’ordre procédural
Ces obligations imposent à l’Etat d’enquêter sur les circonstances d’un décès mais aussi de mettre en place un système judiciaire efficace, permettant en cas de négligence des autorités d’établir les responsabilités et d’engager les poursuites pénales. Dès lors qu’on recourt à la force, l’Etat doit voir si cela est justifié.
La Cour EDH va vérifier l’indépendance avec laquelle l’enquête a été menée et si cela a été effectif.