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La notion de travail dissimulé
Le 30 juin 2015
La tendance au travail dissimulé est à la hausse, comme le confirme l’Urssaf qui relate une forte augmentation du montant des redressements liés au travail dissimulé
- Définition
Le Code du travail définit le travail dissimulé à l’article L8221-5 :
Article L8221-5
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
Le travail dissimulé constitue un délit depuis 1985. Particulièrement grave, l’employeur qui s’exonère intentionnellement de tout ou partie des formalités déclaratives relativement aux salariés qu’il emploie s’expose à de lourdes conséquences.
Le travail dissimulé est a fortiori également caractérisé lorsqu’un travailleur indépendant ne déclare pas sa propre activité.
- Les conséquences
Le salarié peut réclamer 6 mois de salaires à son employeur négligent ou malhonnête : en effet, l’article L8223-1 du Code du travail dispose :
« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »
Qui plus est, l’employeur s’expose à un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 €, comme l’affirme l’article L8224-1 du Code du travail.
Une personne morale, pour sa part, risque jusqu’à 225 000 € d’amende.
- L’augmentation des régularisations
Pourtant, la tendance au travail dissimulé est à la hausse, comme le confirme l’Urssaf (Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) qui relate une forte augmentation du montant des redressements liés au travail dissimulé
- en 2004 : 41 millions € de régularisation de situation des entreprises fraudeuses
- en 2013 : 320 millions €
- en 2014 : 401 millions €
Toujours selon l’Urssaf, les secteurs les plus atteints par cette tendance sont :
- les hôtels, cafés et restaurants (avec un taux de redressement de 10,10%)
- le commerce de détail alimentaire
- le commerce de détail non alimentaire
- le BTP (avec un taux de redressement de 10,10%)
- et surtout : le gardiennage (avec un taux de redressement de 23,40%)
L’Urssaf exerce ses contrôles avec toujours plus d’efficacité du fait de ses controles ciblés.
- La constitution du travail dissimulé
Afin de constituer un travail dissimulé : un élément intentionnel doit être démontré. L’employeur doit avoir la volonté de frauder et non pas simplement avoir commis une intention dans les déclarations administratives.
Récemment, la jurisprudence a encore affirmé que « le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite, la cour d'appel a statué par un motif inopérant équivalant à un défaut de motif »
Dans sa décision du 16 juin 2015, la chambre sociale de la Cour de Cassation a par là même sanctionné le raisonnement de la Cour d’Appel de Paris en ce que cette dernière avait retenu que l’élément intentionnel du travail dissimulé était automatiquement établi du simple fait de l’application intentionnelle de plusieurs conventions de forfait illicites qui prévoyaient un nombre annuel d’heures supérieur au plafond légal de 1607 Heures et ne fixait aucun délai de prévenance des changements de durée ou d’horaires de travail.
Pour la Cour de Cassation, l’application de ces conventions n’entraine pas de facto l’élément intentionnel qui permet de constituer un travail dissimulé.
L’arrêt :
« Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'accompagnateur par la société Alentours, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 22 décembre 2008 qui fixait à 1645 heures la durée annuelle de travail ; qu'il a démissionné par lettre du 31 août 2010 ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir un rappel de salaire notamment au titre d'heures supplémentaires réalisées dans la limite et au-delà de la limite du contingent annuel ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt retient que l'élément intentionnel du travail dissimulé est établi du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et, en tout état de cause, contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail, l'accord d'entreprise invoqué étant illicite en ce qu'il prévoyait un nombre d'heures annuelles supérieur au plafond légal de 1607 heures et en ce qu'il ne fixait pas les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail, ni les conditions de prise en compte, pour le calcul de la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite, la cour d'appel a statué par un motif inopérant équivalant à un défaut de motif ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Alentours à payer à M. X... la somme de 18 493,13 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes »