La Gestation pour Autrui : interdiction et retranscription
La GPA recouvre les hypothèses dans lesquelles un couple fait appel à une femme ayant vocation à porter l’enfant et à le remettre au couple par la suite.
La GPA est interdite en France : ce principe a d’abord été affirmé par la Cour de Cassation dans des arrêts rendus en 1989 et en 1991 puis formellement affirmé par le législateur en 1994 lorsque ce dernier a adopté les lois dites bioéthiques.
Si la France a choisi d’interdire cette pratique, nombre de pays l’autorisent : Afrique du Sud, Royaume-Uni, Argentine, Australie (en majeure partie), Brésil, Canada, États-Unis (la plupart des états depuis la jurisprudence de 1993 instituée par l'affaire Johnson v. Calvert), Géorgie, Grèce, Iran, Israël, Roumanie, Russie, Ukraine.
Qu’en est-il si des parents français décident d’avoir recours à une GPA dans un de ces pays et souhaitent rentrer en France avec cet enfant ?
Dans le cadre des développements qui suivent, le terme femme commanditaire renvoie à la femme qui a porté l’enfant, et père et mère d’intention renvoie aux parents qui ont demandé la GPA mais qui ne sont pas les parents biologiques. Un père d’intention peut être également commanditaire si sa filiation est établie, et qu’il est biologiquement le père de l’enfant.
La jurisprudence française a longtemps été hostile à l’admission d’un quelconque lien de filiation à l’égard des parents commanditaires et de l’enfant issu de la GPA.
Concernant la mère d’intention, si elle affirme avoir accouché de l’enfant, donc de manière mensongère, cette dernière s’expose à une condamnation pour délit de simulation. De plus la paternité pourra être contestée par le procureur de la République par le biais de l’article 336 du Code civil.
Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 13 septembre 2013 affirme qu’en pareil cas l’acte de naissance peut être annulé et que la mère d’intention ne peut pas non plus adopter l’enfant, selon le principe d’indisponibilité des personnes.
De même la filiation paternelle est interdite pour fraude dans ce même arrêt, de fait de la volonté de lutter contre la GPA.
Dans un pareil cas, la filiation est bien établie, mais à l’étranger, dans le pays où la GPA est autorisée. Ce qui est interdit c’est la retranscription aux registres français.
Des arrêts d’une importance considérable ont changé : la donne : Les affaires Mennesson et Tabassée contre France du 26 juin 2014 ont été rendus par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Ces deux espèces concernaient des couples hétérosexuels mariés qui ont eu recours à la GPA aux USA. Si des actes de naissance sont établis aux USA, la France a refusé la transcription sur les registres de l’Etat français dans la lignée de sa jurisprudence.
Les couples concernés sont allés plaider leur cause devant la CEDH qui a tranché contre le droit français en affirmant que le droit au respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les éléments de son identité, dont la filiation est un aspect essentiel.
Suite à ce petit séisme juridique, le Conseil d’Etat (le 12 déc. 2014) et la Cour de Cassation (Assemblée plénière du 3 juillet 2015) se sont alignés à ce qu’avait décidé la CEDH.
Cette solution permet de mentionner comme père le probable géniteur mais ne permet pas de mentionner la future mère d’intention, seulement la mère porteuse. Si les actes de naissance sont conformes à la réalité (que la femme accouchée n’en désigne pas mensongèrement une autre), la Cour de Cassation acceptera dès lors la transcription en droit français.
Depuis ces décisions, les juges du fond se sont alignés sur ces principes, comme l’a fait la Cour d’Appel de Rennes dans deux arrêts du 28 septembre 2015.